Une Alpha et un Oméga.

En posant le regard sur cette louve trapue et ce beau loup noir, il est difficile de déterminer leur différence de grade. Et pourtant, entre ces deux individus se creusait un cratère aussi profond que le nombre de grades qui les séparaient. Mais elle était à la surface, et lui, au plus profond du gouffre. L'oméga avait la vie dure, être le bouc émissaire n'était pas de tout repos, surtout pour une meute de mauvaise humeur. Heureusement, ce n'était pas le cas de celle-ci. Cependant, la meneuse imagina ce que donnerait être un Oméga dans la meute du dieu Darkness. La douleur devrait être le quotidien de ces pauvres bêtes, calées dans cette meute qui méprisait tant la faiblesse. Mais malheureusement, dans chaques meutes, la loi du plus fort régne et génère les rangs. Les Moodys n'échappent pas à la règle. Chez les Darkness, le loup aillant le moins de pitié l'emporte, chez les Sweetness, il s'agit du plus sage et chez les Moodys, le plus fin d'esprit. Ceux qui possédent le moins ces aptitudes se retrouve au rang d'Oméga.

La gorge de la louve rousse était si sèche, qu'elle avait du mal à donner des ordres. Donc elle se rendit directement à la rivière pour se désaltérer. La meneuse aurait préféré boire dans la tanière aux mystères, son jardin secret. Néanmoins, en s'y rendant trop souvent, elle risquait d'être bombardée de reproches ; ce qui l'aurait énervée au plus haut point ! C'était sa place d'Alpha qui était en jeu, elle n'avait pas le droit à l'erreur. Et si une objection s'éparpille dans la meute, tout sera fini pour elle. Son poil s'ebouriffa rien que d'y penser.

Arrivée à la rivière, elle retrouva Roman, le si tristement célèbre Oméga de la meute. Celui-ci s'approchait d'elle, tête baissée, oreilles couchées... Comme le voulait la tradition, Rose se fit grande, queue raide et oreilles droites : la posture d'une dominante auprès de ses sujets. D'une voix basse, Roman la salua brièvement :

« Bonjour, alpha. »

Rose lui répondit par un hochement de tête, aussi bref que les paroles de l'Oméga. La meneuse ne l'avait jamais vu d'aussi près. A distance, elle ne parvenait pas a distinguer le nombre de cicatrices qui lui laceraient le corps. En effet, la fourrure sombre du loup témoignait de sa dure vie de bouc émissaire. Cependant, ces griffes n'appertaient pas toutes à celles des Moodys. Rose savait que ce loup appartenait à une autre meute, autrefois, comme la plupart des membres de la sienne et, pas de chance, ce petit s'était enfoncé dans le même rang... A le voir ainsi, l'Alpha eut presque pitié de lui. Mais ses yeux bleus attirèrent son attention. En leur fond brillait une petite lueur enfantine, étoile qui faisait vivre son corps meurtri.
Faisant semblant de ne pas lui accorder la moindre attention, la dominante plongea brutalement son museau dans la rivière, et se mît à laper à grand coups l'eau cristalline. Rassasiée, elle releva la tête et sécha ses babines d'un rapide coup de langue. Du coin de l'œil, elle regarda à côté d'elle : le jeune Oméga n'avait pas quitté sa place. Des loups passaient par là, elle ne pouvait démontrer aucune compation envers cet inférieur, tel étaient les règles d'une meute. Donc, sans le regarder de face, la vieille louve grommela :

« Qu'est ce que tu veux, toi ? »